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Le guide de survie des permis avec les 80 km/h


La fameuse limitation de vitesse sur route à 80 km/h (au lieu de 90 km/h) est en vigueur depuis le premier juillet 2018 et sur 400 000 kilomètres. Les conséquences pour les conducteurs français sont très importantes dans leur conduite au quotidien et même carrément pénalisante. Nous avons testé et dans les faits, la mesure interdit pratiquement le dépassement. En conséquence, les temps de parcours sont beaucoup plus longs jusqu’à 25 % en plus. Et si la sécurité n’était finalement pas la motivation de cette mesure.


Impopulaire est le moins que l’on puisse dire au sujet de cette nouvelle réglementation à 80 km/h sur route au lieu des 90 km/h. Jamais une mesure de sécurité routière n’avait été aussi décriée, seulement 25 % de Français favorables ! Même si la fronde est systématique en ce domaine, le chiffre fait mal alors que les onze autres mesures sont passées comme une lettre à la poste. Chacun dans son camp : le législateur d’un côté, la majorité des conducteurs de l’autre, avec dans les deux cas des associations militantes qui n’utilisent pas vraiment d’argument convaincant. Vous avez d’un côté, celles qui militent pour toujours plus de « sécurité », c’est le fondement même de leur existence et avec qui une limitation à 60 km/h trouverait encore justice. L’interdiction pure et simple du déplacement individuel « carboné » serait le grand pied. De l’autre côté, les associations pro-conducteurs, utilisateurs qui ne peuvent militer pour la vitesse opposent des justifications légères. Coincés par l’argument massue définitif de la sécurité, elles critiquent méthodes, parlent de mauvaise hiérarchisation des priorités pour réduire cette « fameuse mortalité » sur les routes. (D’ailleurs en trompe l’œil à l’échelle européenne, elle-même à la pointe au niveau mondial).
En réalité les deux pôles du spectre ont tort, mais rassurez-vous le législateur a d’ores et déjà gagné en misant sur une réduction de toutes les façons inexorable de cette fameuse mortalité routière. Depuis toujours le politique a volé les bons résultats aux progrès techniques des véhicules, des infrastructures et des formations au sens large. Si vous imaginez que dans deux ans, que les bons résultats ne soient pas là. Vous vous trompez, c’est affiché par simple logique. Avec cette mesure en revanche, il y a une première, c’est sa couleur politique, clairement de gauche avec une opposition parlementaire uniquement à droite, d’ailleurs, la DSCR est toujours celle de l’ancien quinquennat, elle avait déjà testé sans se convaincre elle-même la mesure en 2015. Paris -capitale rouge- de l’autophobie la plus verte a déjà réduit de 10 km/h (de 80 à 70 km/h) la vitesse sur son périphérique sans arguer la sécurité en première motivation, mais plutôt de santé publique et de réduction de la pollution.

Le dépassement sur route est pratiquement interdit et les temps de déplacement augmentent de 10 à 25 %

Et dans tout ça, le fameux conducteur lambda comme vous et moi -pas celui énervé tout rouge, ni celui qui préfère les transports en commun à sa voiture polluante- il en pense quoi ?
Le conducteur lambda qui a déjà balayé les quelques km/h de trop dans son compteur de vitesse, trouve que la mesure est chronophage en temps de déplacement et en agrément de conduite. Pas la peine de tourner autour du pot, avec des conditions de circulation fluides, cette mesure se traduit mécaniquement par 10 à 15 % de temps supplémentaire pour un trajet donné (nous avons chronométré). Avec du trafic c’est carrément l’explosion avec 15 à 25 % de temps de déplacement en plus.
Cette mesure a un effet pervers inattendu, elle nivelle le différentiel de vitesse entre les différents utilisateurs. À 80 km/h vous roulez désormais obligatoirement à la même vitesse que les jeunes conducteurs et les camions par exemple. En pratique vous n’avez surtout plus la possibilité de doubler. Plus que jamais les zones de dépassement encore possibles à la vitesse légale vont devenir les zones de réaccélération, comme les sorties de rond-point ou d’agglomération par exemple, et au détriment des zones en ligne droite. Le 80 km/h est incontestablement la double peine en cumulant réduction de sa propre vitesse et en subissant celle des véhicules lents.

Les sociétés d’autoroute se frottent les mains avec les « récupérateurs » de point

En pénalisant la route, l’autoroute va sérieusement compenser mécaniquement sa cherté. Les quelques euros pour aller jusqu’à la sortie la plus proche vont devenir un crédit temps désormais rentable. Juste en déplacement le trafic de la route à l’autoroute, l’État va gagner plus d’argent et puis l’autoroute est plus sûre que la route, la défiscalisation des péages aurait apporté les mêmes bénéfices avec une sacrée popularité.
Les centres de récupération de points devraient connaître également une meilleure influence en toute logique, l’inconnue reste la sévérité avec laquelle les 80 km/h seront imposés au début.

Une grande confusion à la mise place de la mesure cet été

La mesure impacte uniquement la province et les campagnes qui ont bien des difficultés à trouver une alternative à l’automobile. L’entrée en vigueur des 80 km/h coïncide également avec la période des vacances, les conducteurs vont certes avoir le temps pendant leurs vacances de se familiariser avec la nouvelle réglementation, mais ils vont utiliser les itinéraires parfois inconnus et prendre le risque d’un rappel à l’ordre par les radars automatiques. Quelques coups de patin sont aussi à prévoir par des surrections à la vue des boîtes, comme c’était le cas lors de leurs implantations. Plus que jamais, pour se mettre à 80 km/h, un assistant de conduite (que l’on n’a pas le droit d’appeler un avertisseur de radar) est plus indispensable que jamais.

« 13 mètres » qui fondent polémique

Le législateur annonce sauver 400 vies et explique que les 80 km/h économisent 13 mètres pour un freinage d’urgence par rapport à 90 km/h. Techniquement et sur une automobile moderne, la réalité est de moins de 6 mètres. Par ailleurs l’industrie automobile généralise également les systèmes « Front Assist » qui déclenchent automatiquement un freinage d’urgence en situation de danger annulant le temps de réaction. En résumé, la démonstration est déjà datée, elle a dix ans de retard et puis il y a les mauvaises langues qui remarquent que le spot télé de la campagne montre un camion qui commet une infraction en « volant » une priorité qui serait la cause supposée de l’accident, donc de la pédagogie ou de la formation pour « régler » ce cas précis. Défiscaliser les systèmes d’aides à la conduite vraiment efficaces aurait été plus efficace pour la sécurité en favorisant le renouvellement du parc automobile ancien. Avec le bonus/malus, c’est la protection de l’environnement qui est favorisé avec les véhicules électriques et hybrides et non la sécurité.

En réalité une mesure qui trouve sa vraie raison peut-être dans la transition énergétique

L’argument de la sécurité est inévitable, mais beaucoup trop facile. En réalité, l’aspect sécuritaire est simplement un masque républicain qui semble facile, car naturellement les bons résultats seront là en mystifiant ou en s’accaparant la réalité des progrès techniques. Si la sécurité n’est pas la motivation, la pénalisation de l'utilisation d’une automobile, d’une moto ou d’un transport individuel motorisé est donc la meilleure piste. L’origine des 80 km/h trouve en réalité sa justification dans la transition énergétique. 10 km/h de moins est du temps perdu pour les conducteurs, mais un sérieux coup de pouce à la voiture électrique par exemple qui souffre de la comparaison dynamique avec les thermiques. Les 80 km/h s’inscrivent en réalité dans une mutation idéologique a marche forcée en augmentant les prix des carburants et pas uniquement du diesel, en sur fiscalisant leur utilisation, ou en réduisant ses possibilités pratiques comme ici. La conséquence de cette vision en trompe-l’œil est risquée, car la crédibilité de la politique en matière de sécurité routière est déjà mal en point. Jugée peu crédible et « pompe à fric », les Français ne biberonneront plus n’importe quoi n’importe comment. Comme en matière d’impôt, trop de Sécurité routière tue la Sécurité routière.

Vendredi 6 Juillet 2018
Christophe Harmand



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